Vous êtes ici : Accueil > Actualités > Assises de l'eau

Assises de l'eau

Accéder aux flux rss de notre siteImprimer la page

Le 9 avril dernier se sont tenues les Assises départementales de l'eau à l'initiative de la Préfecture et du Conseil départemental. Cet événement, dont l’objectif était d’échanger sur les travaux de la Cellule Eau mise en place par la Préfecture depuis quelques années, a rassemblé divers acteurs tels que des élus, des agriculteurs, des experts.

En introduction, Xavier Pelletier, Préfet de Loir-et-Cher a rappelé l'objectif de la journée « Bâtir et organiser un territoire durable afin d’intégrer les contraintes inhérentes au réchauffement climatique ». Philippe Gouet, président du Conseil départemental, a insisté sur l'importance de moderniser les réseaux et de rationaliser les usages, notamment en développant la réutilisation des eaux usées traitées (REUT) : "Actuellement, seulement 1% des eaux usées sont réutilisées en France. En Israël, c'est 90 % et 14 % en Espagne".
Martin Gutton, le directeur général de l'Agence de l'eau Loire-Bretagne, a quant à lui, rappelé qu'il était indispensable d'échanger et que le comité de bassin était un lieu privilégié pour cela. La priorité est la préservation de la qualité de l'eau et le maître mot : Partage.

Constats 

Seul 1 cours d’eau sur 6 est considéré en bon état écologique. Ce constat est basé sur la mesure des polluant et l’analyse de la vie aquatique. Les débits sont à la baisse sur la quasi-totalité des 100 cours d’eau du département, une situation qui altère les services que rendent ces cours d’eau à la population. En parallèle, 20% des volumes prélevés en nappes pour l’approvisionnement en eau potable ont une qualité globale dégradée, notamment sur les nappes « Calcaires de Beauce » et « Craie ». 
Il existe 4 grandes sources de dégradation de la qualité de l’eau. Tout d’abord, les stations d’épuration en mauvais état sont responsables de l’altération de la qualité de l’eau d’¼ des rivières du département. Il est donc nécessaire de travailler sur l’amélioration des réseaux de circuits d’assainissement, de collecte des eaux usées et sur l’amélioration de la gestion des eaux pluviales. 
Les 2/3 des rivières ont aussi une qualité altérée par le fonctionnement dégradé des cours d’eau : disparition des arbres pour retenir les berges, disparition des zones de reproduction pour les poissons… Des moyens techniques, humains et financiers sont à mobiliser pour pallier cette difficulté. La moitié des rivières a une qualité altérée par les prélèvements. Il est aujourd’hui indispensable de travailler collectivement pour partager les enjeux, identifier les besoins des milieux, les usages ainsi que la ressource disponible tout en tenant compte du changement climatique. Enfin, 50% des rivières voient leur qualité altérée par des polluants d’origine agricole. L’enjeu est donc d’accompagner les agriculteurs dans leur transition de pratiques, développer des filières valorisant des productions plus protectrices des ressources en eau. 
 
 Tables rondes

Au sein de la première table ronde a été abordée la thématique de l’eau et l’agriculture.
 Arvalis a présenté les travaux menés par l'institut sur l'adaptation des cultures et des systèmes de culture. Ceux-ci portent sur l'implantation racinaire, l'itinéraire technique et le système d'exploitation. Les solutions seront multi-leviers, adaptées au territoire.
Camille Lecomte, agriculteur et élu à la Chambre d'agriculture de Loir-et-Cher, a relevé la chance pour l'agriculture de bénéficier de nombreux instituts de recherche et d'organisations, telles que la Chambre d'agriculture, pour transférer les travaux réalisés auprès des agriculteurs, afin d’accompagner la transformation des systèmes. 
Le directeur de la DDT a quant à lui insisté sur le fait que la transformation des pratiques agricoles se fait sur un "temps long". En effet, les choix faits par l'agriculteur en termes de système de production le projette sur une voie pour une dizaine d'année au moins. Au maximum, un exploitant agricole peut envisager 2 changements de système sur sa carrière, il faut donc rester pragmatique dans les demandes faites aux agriculteurs. 
L’industrie agro-alimentaire est également en cours d’adaptation, les usines doivent aujourd’hui revoir leur process afin de limiter leur consommation. Le changement climatique modifie petit à petit les zones de production et il faut parfois faire beaucoup plus de kilomètres pour amener le produit à l'usine. Au sein de certaines structures, la réutilisation des eaux est déjà en place pour le lavage des machines, le refroidissement. 
Des aides financières, des accompagnements au changement, de la recherche et de l'innovation sont indispensables pour mener à bien la "révolution agricole" sur les pratiques et changements de système. Ce fut la conclusion de cette table ronde.
 
Dans la 2nd table ronde, c’est la thématique de la REUT qui a été abordée, un sujet intéressant pour l'irrigation des cultures. Trois points sont cependant souvent problématiques dans ces projets :
-    L’impact sur les cours d'eau : les eaux traitées sont habituellement rejetées dans le milieu naturel. Si elles sont réutilisées pour un usage autre, la quantité d'eau dans les cours d'eau sera impactée. Au vu de la situation déjà difficile des débits de nos cours d'eau, il faut étudier cet impact de manière approfondie.
-    Le coût du projet : si des kilomètres de canalisation doivent être installés pour rejoindre la destination finale des eaux réutilisées, quel est l'intérêt en terme financier et écologique ?
-    L’acceptation sociologique des populations : ces sujets sont-ils bien compris et appréhendés par le public non initié ? Il est important de communiquer et d'informer avant tout lancement de tels projets, particulièrement pour des usages publics.

L'ARS (Agence Régionale de Santé) a apporté des précisions sur l'enjeu sanitaire. Selon les usages, toutes les eaux traitées ne sont pas autorisées par rapport à la présence de polluants. La loi a assoupli les obligations pour l'utilisation des eaux mais des réticences persistent, même si des projets mis en place il y a 40 ans, comme à Noirmoutier, permettent d'avoir un certain recul quant à ces pratiques.
Le deuxième sujet autour des aménagements pour les collectivités touchait l'objectif à atteindre : comment se passer d'eau. Pour le CAUE (Conseil d'Architecture, d'Urbanisme et d’Environnement), cela passe par le choix des essences, la gestion des eaux pluviales, la couverture des sols pour limiter l'évapotranspiration … comme en agriculture. 
 
Ateliers techniques

L'après-midi, 10 ateliers thématiques ont été organisés, dont 2 sous le chapeau de l'adaptation au changement climatique, des pratiques agricoles avec le témoignage d'agriculteurs :

  • Evolution des pratiques agricoles : Celui-ci a permis de faire un zoom sur l'impact du changement climatique sur les productions agricoles départementales d'ici 50 ans par Christophe Beaujouan, conseiller à la Chambre d'agriculture. C'est ensuite Frédéric Thomas, agriculteur à Dhuizon, pratiquant l'agriculture de conservation qui a présenté son expérience. Dans une exploitation solognote avec des sols à faible teneur en matière organique, il a arrêté le labour et a introduit des couverts végétaux en 1996. Depuis 2001, du compost produit sur l'exploitation est régulièrement apporté dans les parcelles. Des brebis solognotes pâturent les couverts. Grâce aux suivis annuels des pratiques, aux mesures de la vie biologique de ses sols, Frédéric Thomas fait le constat que les résultats sont notables au niveau de la structuration et des matières organiques des sols, de l'infiltration de l'eau et de la profondeur d'enracinement, ce qui permet une meilleure valorisation des pluies, même en quantité limitée, une meilleure résilience des cultures. L'impact sur la biodiversité, sur la vie dans le sol, sur le stockage du carbone par les plantes, sur les températures au sol en cas de fortes chaleurs est également positif. 
  • Sécurisation de la ressource en eau pour l'agriculture : Vincent Portier, nouvel agriculteur sur Tour-en-Sologne, est venu témoigner. Il a repris une exploitation familiale, tout d'abord en activité secondaire, d'une 40aine d'hectares en grandes cultures. Il y a 2 ans, il a choisi de revenir à 100 % sur l'exploitation. Mais il fallait changer de système afin de développer la valeur créée sur l'entreprise. L'agrandissement n'était pas une solution. Il a donc étudié deux productions à forte valeur ajoutée : les semences et les fraises en jardins suspendus. La première production est fortement demandeuse en eau. Or, l'exploitation est située dans un secteur classé Lre3 du SDAGE Loire-Bretagne, ce qui signifie que tout nouveau prélèvement en période de basse eau est interdit. L'exploitation reprise étant historiquement non irrigante, impossible pour Vincent de créer un nouveau forage pour développer son activité agricole. La solution envisagée est alors la création d'une retenue, même si l'investissement est 10 fois plus élevé que celui d'un forage. Mais pour l'activité de fraises en jardins suspendus qui a été retenue par l'exploitant pour son projet, 10 000 m3 par an sont nécessaires. Après des démarches d'une année, les travaux de terrassement, d'étanchéité, de mise en sécurité et de remplissage ont démarré et se sont étalés de septembre 2023 à mars 2024. Le principe : l'eau est pompée dans la nappe pendant la période de hautes eaux (automne hiver) pour être stockée dans la réserve et être disponible quand les fraisiers sont plantés et produisent (de janvier à octobre environ).